Depuis deux ans, Emmanuel Macron casse le pays. Il déchire l’Etat, il brise les solidarités. Pire encore, il nourrit le désespoir lorsqu’il fait passer au bulldozer ses lois antisociales.

Mais depuis deux ans, le monde d’Emmanuel Macron ne fait pas que gagner. Malgré le black-out médiatique qu’elles subissent, des grèves remportent des victoires.

Elles sont largement passés sous les radars de l’actualité tant les médias les ignorent. Mais pour avoir été soutenir plusieurs d’entre elles, j’ai pu le constater : rien n’arrête une grève déterminée. Des sous-traitant-e-s de nettoyage de la SNCF, aux femmes de ménage de l’hôtel Holiday Inn à Clichy ou du palace Hyatt Vendome, en passant par les travailleurs sans papiers de plusieurs restaurants franciliens, sans oublier les postiers des hauts de seine ou les agents du centre de maintenance SNCF des TGV à Chatillon : ce sont souvent les personnels les plus précaires et les moins protégés qui arrachent ces victoires.

Pourquoi ? Parce que ces grèves durent, parfois plusieurs dizaines de jours, jusqu’à la victoire. Parce qu’elles s’appuient sur des mécanismes forts de solidarité apportées par des syndicats combatifs, des mouvements politiques, des associations, les caisses de grève se révélant déterminantes. Parce que leur forme est radicale : elles occupent, envahissent, bloquent, manifestent quand elles n’ignorent pas les préavis de grève comme récemment au centre Sncf de Châtillon. Parce qu’elles naissent souvent de l’auto-organisation, des syndicats les épaulant ensuite.

Ces grèves ont compris qu’un gouvernement ou qu’un patron qui veut écraser des salariés ne comprend qu’un seul langage: le rapport de force.

Je suis convaincu, depuis plusieurs semaines, de l’ampleur du mouvement social qui va débuter le 5 décembre et de la forme qu’il pourrait prendre parce qu’il va parler cette même langue : celle d’une grève reconductible.  On sent bien, même, que les appels à sa généralisation rencontrent un écho réel et concret. C’est un espoir : je suis persuadé que c’est cette par cette forme que le mouvement social peut battre le plus efficacement la politique d’Emmanuel Macron. Ce dernier fait comme tous les autres dirigeants de la 5ème république avant lui : il ne cédera pas, dit-il …  Le « nouveau monde » a pris les mêmes habits qu’un Fillon ou qu’un Sarkozy. Pourtant Emmanuel Macron n’est pas plus fort que ses prédécesseurs. Au contraire même. Il a déjà cédé aux Gilets jaunes en retirant sa taxe carbone et en remettant 10 milliards dans la consommation populaire même s’il s’est acharné à les récupérer ensuite sur la baisse des dépenses publiques et la non compensation des exonérations du budget de la sécurité sociale.

On sait maintenant qu’en décembre dernier, son gouvernement ne tenait plus qu’à un fil : en cas de dérapage mortel engendré par sa politique répressive, il avait imaginé remplacer Édouard Philippe par Gérard Larcher, le Président du Sénat. On dit même qu’au plus fort du caractère insurrectionnel du mouvement des Gilets jaunes, il avait étudié le plan des égouts sous ses pieds en cas d’invasion de l’Elysée par les égouts ! On fait plus serein face à la colère populaire.

La vague partie du 5 décembre pourrait être bien plus puissante encore. Les braises des gilets jaunes sont toujours vives. C’est une autre des caractéristiques du 5 décembre : dans la forme ce mouvement peut paraitre « classique », empruntant les modes d’action habituels du mouvement ouvrier organisé avec la grève. Mais une réalité nouvelle se superpose : L’arme traditionnelle de la lutte des classes qu’est la grève va s’appuyer sur le climat insurrectionnel que les Gilets jaunes ont semé aux quatre coins du pays. Il y a là les ferments des révolutions citoyennes qui secouent le monde du Liban au Chili.

Les mobilisations des Gilets jaunes, des pompiers ou encore des urgentistes et du personnel de santé sont l’expression d’une société qui craque. Parfois, malheureusement, dramatiquement, cela prend la forme de suicides sur leur lieu de travail de salariés de la fonction publique ou d’entreprises publiques. Des suicides accompagnés souvent de mots qui ne laissent pas de doute sur la nature de leur geste. Récemment, ce ne sont plus seulement des travailleurs qui font ce geste ultime mais des usagers, comme ce jeune étudiant qui s’est immolé par le feu pour contester la politique dont il était directement victime. Jamais la violence sociale n’a été aussi impitoyable pour nos concitoyens. L’an dernier, la politique sociale et fiscale du gouvernement, c’est 400 000 pauvres de plus, tandis que 60 000 français les plus riches se partageaient 400 millions d’euros de cadeaux fiscaux en plus ! Comment ceux qui organisent ce pillage pouvait penser que cela passerait sans opposition ?

Nous sommes à 24 heures d’un grand mouvement. D’un début. Je l’espère, je le crois possible : le mot d’ordre de grève générale peut redevenir une réalité. Dans ce pays, il suffit parfois que des secteurs s’avancent les premiers pour que d’autres les suivent ou tout au moins les soutiennent. C’est ce qui s’était passé en novembre/décembre 1995. Cette fois encore, les agents Ratp et Sncf devraient ouvrir la voie si on en croit leur appel à une grève reconductible. Le gouvernement sent bien le danger : il a déjà mobilisé la médiacratie pour jouer l’opposition entre les usagers et les grévistes. L’artillerie lourde est déjà sortie, mais les grévistes disposent d’un gilet pare-balle : les français soutiennent en majorité le mouvement.

Le gouvernement attaque, il est vrai, l’un des acquis sociaux les plus chers aux français, arraché de haute lutte par leurs prédécesseurs : la retraite par répartition. Voilà qui est de nature à unifier les français dans la lutte : ils ont compris que si on supprime les régimes spéciaux pour les mettre au niveau d’un système lui-même globalement affaibli, il n’y aura qu’un seul type d’égalité : l’égalité dans la pauvreté et dans l’allongement de la durée de travail. Cela s’appelle un nivellement par le bas, les plus fortunés étant appelés à recourir à la retraite par capitalisation.

A nous donc d’épauler, de soutenir le mouvement qui va démarrer le 5 décembre. A chacun d’entre nous de mettre sa part de charbon dans la machine, sans sectarisme. Ceux qui ont commencé à se lever veulent cette unité, ils ne demandent pas à chacun de rester dans son « couloir » : ils signent des appels unitaires mêlant syndiqués, gilets jaunes, militants politiques, associations.
C’est par un mot d’ordre unifiant, par le nombre et par la continuité qu’on peut forcer Macron à remballer sa casse du système de retraite par répartition.

Le retrait : voilà le mot d’ordre qui marque le début d’une reconquête sociale, d’une résistance sur laquelle d’autres secteurs peuvent s’appuyer.

L’exigence d’un grand plan d’urgence de reconstruction d’un Etat social pourra ensuite s’ajouter au mot d’ordre de retrait de réforme par points tant remontent de partout les exigences de celles et ceux, fonctionnaires, salariés, usagers, qui subissent cette politique de casse depuis de trop nombreuses années.

Par le nombre, parce que c’est la force première du peuple : plus les conditions sont réunies pour que la masse se forme, plus nos manifestations donnent envie d’y participer, plus les chances de victoire s’accroissent.

Il ne fait aucun doute que le gouvernement va jouer la carte de la peur et de la spirale de la violence pour nous dissuader de manifester. Nous ne devons pas tomber dans ce piège.

Par la continuité parce qu’une grève s’inscrivant dans la durée, générale et reconductible, reste le coup de bélier le plus efficace pour enfoncer les portes du donjon oligarchique qui soutient le gouvernement.

Par la solidarité enfin. Ils ont les connexions, nous avons nos convictions disait récemment Vikash Dhorasso ; nous avons aussi notre solidarité, celle de ceux qui n’ont que leur force de travail pour vivre. L’organisation de notre solidarité, c’est celle de nos caisses de grèves, qui permet de déposer au pied du sapin un cadeau pour les enfants, malgré les heures impayées dues à la grève.

Faire peuple par la grève et les marches, cela peut être au final la marque d’une révolution citoyenne en France, unique en son genre. Cela n’aurait rien de surprenant de la part d’un peuple qui a toujours tiré sa plus grande force et ses œuvres collectives des irruptions à la fois sociales et citoyennes !