Ce mardi nous allons connaître le plan de déconfinement présenté par le Premier ministre.

Hier, le nombre des décès dus au Covid-19 est malheureusement reparti à la hausse, signe que rien n’est encore gagné face au virus.

Faute d’anticipation, faute aussi de moyens matériels et humains dans la santé publique, du fait des politiques d’austérité que subit l’hôpital depuis des années, le gouvernement n’a eu d’autres choix que de conduire le pays à un confinement drastique. La seule réelle alternative eut été de disposer de masques, de tests, et de lits médicalisés en grand nombre. Nous n’avons rien eu de tout cela depuis le début de l’épidémie.

Nous avons tous découvert que la France ne disposait d’aucun masque FFP2 en stock et trop peu de masques chirurgicaux ! Que La France n’était même pas capable de proposer des tests à ses soignants et encore moins aux personnes à symptômes, alors que l’Allemagne au même moment proposait déjà des dizaines de milliers de tests par jour et disposait de 25 000 lits de réanimation contre 5000 en France. Et je ne m’étends pas sur les autres manques matériels :  blouses, gants, gel hydroalcoolique.

RENTRÉE LE 11 MAI CONTRE L’AVIS SCIENTIFIQUE

Aujourd’hui, nous devrions connaître le plan de déconfinement pour le 11 mai. Je suis très inquiet. Le temps du début de la crise où les forces d’opposition politiques acceptaient au moins les consignes du gouvernement pour ne pas rajouter de la pagaille, est passé. J’ai déjà, pour ma part, refusé de les suivre avant le 1er tour des municipales en appelant à leur annulation. Tout me démontrait sur le terrain que ce maintien pouvait avoir des effets dramatiques ; Emmanuel Macron et Edouard Philippe ont beau contester ces effets encore aujourd’hui, leur langue de bois ne convainc personne : ce 1er tour a largement contribué à accroître l’épidémie.

Ce qui est proposé pour les écoles à partir du 11 mai pourrait bien se révéler du même acabit en relançant l’épidémie. Effectivement, le conseil scientifique s’était déclaré pour une rentrée générale en septembre. Les Italiens et et Espagnols vont d’ailleurs reporter leurs rentrées scolaires au mois de septembre. Il semble que désormais même le conseil scientifique n’est plus écouté par le gouvernement français ! Alors qu’il n’y a aucune certitude sur le degré de contagiosité des enfants, la France, elle, va réouvrir les écoles en admettant à l’avance que les petits ne pourront pas porter de masques.

Qu’importe, Emmanuel Macron en a décidé ainsi et le gouvernement doit se débrouiller comme il peut !

LA RELANCE ÉCONOMIQUE AVANT LA SANTÉ DE LA POPULATION

Il n’y a pas que les écoles… Le président du conseil scientifique estimait à 100 000 par jour le nombre de tests PCR nécessaires pour identifier les malades, et tester tous ceux ayant été en contact avec avec des personnes présentant symptômes.

Le gouvernement affirme que La France ne dispose que de 50 000 tests, sans apporter de preuve concrète. Cela signifie qu’en deux semaines, il faudrait, à minima, doubler notre capacité en tests, voire la tripler. Par quels moyens ? En comptant sur quels fournisseurs ? On a beau poser les questions depuis des semaines à Monsieur Véran, ministre de la Santé, il ne répond pas.

Il faudrait être capable d’équiper en masques tous les Français, et les plus exposés d’entre eux en masques chirurgicaux, à raison de plusieurs par jour (j’entends par « plus exposés » non seulement les soignants mais plus généralement toutes les personnes qui vont être appelées à reprendre le travail dans des lieux confinés où les contacts sont fréquents). Je précise à dessein « masques chirurgicaux » parce que bien qu’homologués « grand public », on sait que la barrière offerte par les masques de tissus réutilisables n’a pas la même efficacité.

C’est vrai dans les transports en commun par exemple. Ce qui est en train de se passer en Ile-de-France inquiète aussi sur la préparation du 11 mai. Comment croire que la sécurité sanitaire y sera suffisante quand on constate dès aujourd’hui, que les autorités n’ont pas su anticiper l’actuel accroissement des activités professionnelles ? Il y a déjà bien trop de monde dans beaucoup de métros ou de trains pour espérer un quelconque respect des gestes barrières !

Alors, imagine-t-on ce gouvernement à même de planifier, organiser et produire en deux semaines ce qu’il n’a pas été capable de faire en plusieurs mois ? Le scandale des 10 000 respirateurs annoncés fièrement par le gouvernement à partir d’une alliance industrielle entre Air Liquide et notamment PSA confirme que non : à l’arrivée il s’agit de respirateurs légers impropres pour soigner les malades atteints du Covid-19 !

Ma volonté n’est pas de semer la panique mais d’alerter. Comme tout le monde, je souhaite le déconfinement qui n ‘est pas un état normal et qui génère bien de souffrances. Mais en l’état, si rien ne bouge, si ce virus ne se révèle pas saisonnier, la catastrophe que serait une relance de l’épidémie n’est malheureusement pas à exclure.

Ce gouvernement s’est révélé incapable de préparer le pays  à l’épidémie ; tout laisse penser qu’il ne saura pas préparer le déconfinement. Et comme le Président de la République aura imposé une date en fonction d’enjeux économiques plutôt que d’exigences sanitaires, le gouvernement parait foncer dans le mur sans trop savoir comment l’éviter.

PAS DE PLANIFICATION POUR LE DÉCONFINEMENT ?

Il y a fort à parier que cet après-midi, le Premier Ministre va annoncer les grandes lignes de son plan, laissant les solutions concrètes à ceux qu’il annonce vouloir rencontrer d’ici le 11 mai : les collectivités et les entreprises. Autrement dit, faute d’avoir réussi à tout organiser pour le 11 mai, l’Etat va continuer à se défausser sur les communes, les départements, les régions et les entreprises.

Ce n’est pas par choix, c’est par obligation du fait de son impuissance.

Là encore cela ne me rassure pas. Comment les collectivités réussiraient là où l’Etat a pour le moment échoué ? J’y vois également un danger pour l’égalité de toutes et tous sur le territoire. Des maires annoncent d’ores et déjà fièrement qu’ils vont mettre à disposition des masques pour tous les habitants de leur commune. Chacune de ces collectivités et entreprises vont donc chercher à s’équiper séparément sur un marché parce que la production est insuffisante en France. Le risque est alors une mise en concurrence entre les communes.

Ce sytème a aussi le défaut d’avantager les villes qui auront les moyens de se fournir en matériel. Au lieu, par exemple, d’équiper graduellement toutes les populations du pays sur le critère du risque d’exposition, on risque de voir tous les habitants d’une même ville en disposer quand, dans la ville voisine, des personnes très exposées au virus en manqueront. Et comme l’offre est inférieure à la demande, cette « décentralisation forcée » risque d’entrainer une gestion calamiteuse des fournitures et de diffusion des masques. Ce que je dis des masques risque aussi d’être vrai pour d’autres matériels, y compris les tests.

Ce mardi, la méthode choisie par la majorité -un vote bloqué, pour imposer à la va-vite son plan de déconfinement revient à confiner la démocratie. Son objectif est aussi de ne pas s’appesantir sur une gestion au mieux hasardeuse, au pire calamiteuse, en passant ensuite la patate chaude aux collectivités et partenaires sociaux.

J’aimerais me tromper car l’échec serait terrible pour la santé des Français. D’ici le 11 mai, il est encore possible pour le gouvernement de reconnaitre ses erreurs en la matière et de prendre le temps nécessaire pour que la France soit suffisamment « équipée » pour déconfiner. Rien ne serait pire que de vouloir passer en force contre la maladie. Nous le payerions toutes et tous.

RETROUVEZ L’INTÉGRALITÉ DE MON INTERVIEW EN DUPLEX SUR BFMTV, AU SUJET DU PLAN DE DÉCONFINEMENT EXPLIQUÉ CET APRÈS-MIDI PAR EDOUARD PHILIPPE À L’ASSEMBLÉE NATIONALE