Deux semaines après ma première visite au CRA du Mesnil Amelot, j’y suis retourné ce premier mai accompagné d’une équipe de France 2. La présence d’un député est en effet requise pour permettre à un media d’effectuer un reportage sans demande d’autorisation. Leur sujet devrait passer ce mardi au journal de 20 h.
En deux semaines rien n’a changé, ni policiers, ni retenus n’ont de protection (masque, gants). Les sanitaires collectifs, manifestement nettoyés à la va-vite pendant qu’on nous faisait attendre, sont contraires à tous les usages en matière de règles de distanciation et de gestes barrière.
Les retenus sont toujours à plusieurs par chambre (jusqu’à 4), d’autant plus qu’un incendie la veille (une tentative de suicide m’ont témoigné plusieurs personnes) a condamné un bâtiment. Selon l’administration c’est un choix des retenus qui préfèreraient se regrouper à plusieurs par chambre, ce que contestent les intéressés incriminant le manque de place.
Aucun test n’a été effectué. Chaque nouvel arrivant a un examen clinique. S’il y a un doute, la personne est envoyée à l’hôpital de Meaux d’après l’infirmière en chef. Si l’arrivée se fait entre 18 h et 8 h du matin, soit en dehors des heures d’ouverture de l’infirmerie, il patientera dans la zone de vie, donc avec les retenus, avant de se soumettre à un examen. A l’infirmerie on m’affirme que depuis le début de l’épidémie personne n’a présenté de symptômes de Covid-19. Admettons. Si c’est le cas, c’est une chance car l’épidémie se répandrait rapidement vu les conditions de rétention.
D’autant que les aller-retours avec l’extérieur sont fréquents. Pas seulement du fait des policiers qui peuvent amener de l’extérieur le Covid-19 comme le ramener mais aussi en raison du grand nombre de retenus qui y arrivent et en repartent. Contrairement aux affirmations du ministre de l’intérieur, on ne rejoint en effet pas le CRA seulement depuis une prison, espace présumé confiné. Sur 74 personnes arrivées en un mois, 35 seulement venaient de prison. On a donc continué pendant le confinement à expédier en CRA des personnes interpelées sur la voie publique car sans papier. On en repart aussi, soit parce que libérés, soit envoyés dans d’autres CRA pour des raisons disciplinaires. En un mois, seuls 15 retenus ont pris l’avion pour rentrer dans leur pays dont 13 roumains, 1 albanais, 1 néérlandais. Hors espace de Schengen aucun retenu n’a donc été expulsé puisque les frontières sont fermées et les avions rarissimes. C’est un des éléments aberrants de la situation puisqu’on garde enfermés des gens avec tous les risques de contamination inhérents à ce type de lieu alors même qu’aucun ne peut être expulsé.
Pire, le confinement réduit leurs droits car ils ne disposent de quasi aucune assistance physique. Le bureau de la Cimade a fermé, seuls cinq avocats sont passés en un mois et les dossiers sont jugés à distance.
Ce premier mai, ils étaient 59 présents (dont 52 hors espace Schengen). On annonçait l’arrivée de sept nouveaux pour le 2 mai. Faut-il, comme pour le CRA de Vincennes, des cas de Covid-19 avérés pour modifier la situation ? Plus que jamais, et alors que le 11 mai ne sera qu’un déconfinement partiel sans changement de situation pour les personnes internés dans les CRA, fermer les Centre de rétention est une exigence humanitaire et sanitaire. Rien ne justifie de faire prendre un tel risque, à eux comme aux fonctionnaires chargés de les garder, à des gens dont le seul tort est de ne pas être dans une situation régulière en France.
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