Voilà une semaine, Emmanuel Macron annonçait un déconfinement progressif pour le 11 mai. Il donnait clairement la priorité au retour au travail. J’ai constaté cette semaine qu’en Ile-de-France, un déconfinement partiel a déjà commencé. Dans la journée, on observe plus de monde dans les rues et sur les routes. Beaucoup de secteurs professionnels ont manifestement entendu l’encouragement du Chef de l’Etat à relancer leur activité. Et manifestement sans que les protections ad hoc soient souvent présentes.

C’est tout l’enjeu du déconfinement prévu en mai. Sauf à espérer un virus saisonnier disparaissant aux beaux jours, ce qui n’est pas impossible disent des scientifiques, une population appelée à se côtoyer au travail sans protection et c’est la relance certaine de l’épidémie. Epidémie qui d’ailleurs, les chiffres de la semaine le montrent malheureusement, est très loin d’être jugulée.

Dans son annonce, le Chef de l’Etat a paru d’ailleurs assumer ce risque en enjoignant les personnes âges et fragiles de rester confinés après le 11 mai. Peut-être plusieurs mois de suite. Ce que le président du conseil scientifique, Mr Delfraissy, a estimé dans la semaine à 18 millions de personnes ! Dix-huit millions appelés ainsi rester isolés des mois de plus sur le seul critère de l’âge et de maladies chroniques affectant leur capacité respiratoire ou leur immunité ! Dix-huit millions ainsi sacrifiés pour permettre une relance de l’activité insuffisamment protégée.

La chose est tellement énorme et discriminatoire – être confiné n’est déjà pas une situation normale pour l’être social qu’est l’être humain, il l’est encore moins si vous vous savez séparés du reste de la société – que des voix ont commencé à s’élever contre cet abus et ce traitement pouvant s’avérer pire que le mal. Elles avaient raison. En fin de semaine Emmanuel Macron est ainsi revenu en arrière en préconisant la responsabilité individuelle plutôt que la contrainte.

Mais le problème reste entier. Le déconfinement est évidement souhaitable mais pas, au nom en réalité de la seule relance de l’activité économique, en comportant des risques majeurs de 2ème vague épidémique. Puisque le chef de l’Etat imagine d’abord un déconfinement au travail, c’est à l’Etat de s’assurer que celui-ci s’effectue dans des conditions de protection optimum. Or on en est loin. Aujourd’hui des professions s’exercent sans même un masque, des gants, du gel hydroalcoolique. Y compris parmi les fonctionnaires au service de l’Etat ou des collectivités. Et quand ils en possèdent c’est rarement grâce aux dotations de l’Etat.

Il reste donc trois semaines pour y parvenir. Aucun salarié ne doit reprendre le travail le 11 mai sans protection. En cas inverse c’est non seulement la santé des travailleuses et travailleurs qui serait mise en péril mais aussi de l’ensemble du pays. Et c’est à l’Etat de le vérifier. Voilà le mot d’ordre central et utile. Sur quel cahier des charges selon les secteurs d’activité ? Aux salariés de le décider collectivement sur le terrain. En cas inverse, le droit de retrait devrait être étendu à tous les travailleurs du pays, privé comme public.

La deuxième condition, c’est les tests. Les allemands, qui annoncent être en passe de surmonter l’épidémie, en produisent 100 000 par jour. Nous, aujourd’hui, sommes montés péniblement à 30 000. On parle là des tests PCR, seuls fiables avec certitude pour le moment. Interrogé par mes soins sur le sujet à la mission d’information de l’assemblée nationale, le même Jean-François Delfraissy estimait que la condition pour déconfiner était justement d’atteindre ce chiffre. Il permet en effet de tester non seulement les personnes ressentant des symptômes, l’Etat assure que c’est déjà le cas aujourd’hui, mais plus globalement toute personne inquiète car, par exemple, en ayant croisé une autre ayant des symptômes. Il préconise même de pouvoir tester certaines population systématiquement car plus en danger du fait de leur âge ou de leur maladie. Les Allemands sont parvenus à ce résultat de 100 000 par jour en organisant leur économie dans cet objectif depuis l’annonce de l’épidémie en Chine. Pas ceux qui nous gouvernent. Il ont donc là encore trois semaines pour s’assurer de la production de trois fois plus de tests. Ce qui nécessite, comme nous le réclamons depuis longtemps, une vraie planification sanitaire.

La protection sans compromis des travailleurs, 100 000 tests par jour : voilà les conditions d’un déconfinement même partiel.